Responsabilité des Hebergeurs sur Internet : les limites au principe d’irresponsabilité de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 (version LCEN)

mardi 9 février 2010

La cour de Cassation rejette le pourvoi de Tiscali qui contestait toute responsabilité éditoriale sur un site personnel et retient la contrefaçon de bandes dessinées ( Dargaud, Lombard, Lucky Comics) Cass Civ 1, 14 janvier 2010.

9-02-2010

Decision : cliquez ici

Cette affaire qui met fin à une saga du droit de l’Internet est extrêmement interessante.

L’hébergeur de sites personnels contestait toute responsabilité sur les contenus illicites de reproduction de bandes dessinées.

La Cour d’appel de Paris avait quand à elle retenu sa responsabilité en qualité d’éditeur. Sa position a été suivie par la Cour de Cassation.

Extrait de la décision :
Mais attendu que l’arrêt relève que la société Tiscali média a offert à l’internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion ; que par ces seules constatations souveraines faisant ressortir que les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage, visées par l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000 applicable aux faits dénoncés, de sorte que ladite société ne pouvait invoquer le bénéfice de ce texte, la décision de la cour d’appel est légalement justifiée ; que le premier moyen n’est donc pas fondé et le second est inopérant

Mais cette affaire laisse un gout d’inachevé.
Qu’en aurait il été si d’autres arguments avaient été invoqués ?

Le raisonnement que je préconise est de toujours procéder par analogie et d’appliquer le principe communautaire de neutralité technologique (pour un exemple : Cf Dijon 17 février 2009.)

L’application du principe de neutralité technologique aurait déja permis de constater, ce qui était contesté, que Tiscali n’était pas seulement hébergeur, mais également support de publicité, ayant à ce titre une responsabilité éditoriale sur les publicités affichées.

Ce n’est dès lors pas en qualité d’hebergeur qui n’aurait pas respecté ses obligations que Tiscali est condamné ("le premier moyen est inopérant"), mais en qualité d’éditeur.

Faute pour l’éditeur réel d’être identifié, la Cour a retenu que TISCALI avait une responsabilité éditoriale sans pour autant rechercher si elle n’était pas limitée au contenu publicitaire.

Naturellement, il aurait été souhaitable que la défense mette en avant devant la Cour d’Appel les limites de cette responsabilité éditoriale à la seule publicité éditée, plutot que son absence.

L’auteur des contenus n’ayant pu être recherché, faute pour l’hébergeur d’avoir pu communiquer des données permettant de l’identifier , la Cour d’Appel avait constaté que TISCALI était responsable en qualité d’auteur de la publication en ayant effectivement également contribué à la création d’une partie du contenu.

Rappelons que la Cour de Cassation ne juge pas une troisième fois mais se borne à vérifier que les textes ont été bien appliqués.

Il aurait été interessant que par un troisième moyen elle soit interrogée sur l’étendue et les limites de la responsabilité éditoriale de l’hébergeur qui ne se limite pas à de simples prestations techniques mais dont l’activité éditoriale est limitée à de la publicité ....

Une affaire décidemment très interessante !

Gilles Buis