Legal privilege : extension de la confidentialite aux echanges internes qui prolongent une consultation d’avocat

vendredi 17 novembre 2017

On pourrait croire qu’un pas a été franchi par la Cour d’appel de Paris vers l’extension du légal privilège aux juristes d’entreprise, ... lorsque la correspondance se réfère aux conseils rendus par des avocats et qu’elle en est le prolongement. Il n’en est rien et la décision ne les considère qu’au travers de leur qualité de simples salariés dont les écrits se réfèrent aux conseils rendus par des avocats et en ce qu’ils sont le prolongement de la stratégie préconisée.
L’intervention volontaire de l’AFJE est également rejetée.
ORDONNANCE DU 8 NOVEMBRE 2017 CA Paris Pôle 5 - Chambre 15 RG n° 14/13384- 23

extraits :

Déclarons irrecevable l’intervention volontaire de l’association française des juristes d’entreprises.

« Il convient donc d’analyser in concreto le courriel de L. juriste de (filiale française) à S. , responsable juridique (société Europe) ( ... ).

Même si ce courriel n’émane pas ou n’est pas adressé à un avocat, il reprend une stratégie de défense mise en place par le cabinet (Avocat) et porte atteinte au privilège légal.

S’agissant du courriel de I. directrice juridique de (société Europe), à F, président de (société France) , ce courriel faisant suivre un autre courriel d’I par lequel cette dernière transmet le rapport d’analyse du (cabinet d’avocat) et de la réunion d’analyse qui s’en est suivie avec ce cabinet relative à ce rapport d’analyse (...). I. résume ensuite les conclusions du rapport d’analyse du (Cabinet Avocat) attaché au courriel – y compris les constations, l’analyse juridique et les recommandations, il convient également d’examiner in concreto le contenu de ces pièces »

Il est constant également que bien que ces pièces n’émanent pas ou ne sont pas adressées à un avocat, elles reprennent une stratégie de défense mise en place [...] par le cabinet (le Cabinet d’Avocat) et porte ainsi atteinte aux droits de la défense.

Dès lors, la saisie des pièces sera annulée avec l’interdiction de l’ADLC d’en faire état de quelque manière que ce soit.

Observation :

Aucune avancée donc à notre avis tant que les juridictions ne reviendront pas à l’esprit qui a guidé le législateur à instituer un Legal Privilège au bénéfice des échanges des avocats.

La vocation première de ce texte est en effet moins de protéger une profession parce qu’elle est règlementée, mais la prise de conseil auprès d’une personne qui en a les compétences (garantie pour les avocats par l’appartenance à un Ordre).

Il est excessif de déclarer comme le fait dans son Ordonnance la Cour que l’Avocat aurait mis en place d’une stratégie judiciaire. Il l’a anticipée et conseillée, ce qui est déjà beaucoup.

Pour notre part, nous pensons personnellement que la profession de Juriste d’Entreprise est aujourd’hui suffisamment professionnalisée pour mériter de se voir reconnaitre la possibilité d’apporter des conseils éclairés et que les conseils du Juriste d’Entreprise devraient à ce titre - au besoin après une analyse in concreto - bénéficier de la confidentialité.

Le texte a moins à notre avis vocation à protéger notre profession per se que de garantir au justiciable l’accès à des conseils éclairés.

Gilles BUIS,
Avocat , Médiateur et ancien Directeur Juridique
Membre honoraire et ancien administrateur de l’AFJE.
Membre honoraire du Cercle Montesquieu.