Contrat d’agence : préavis ou rupture brutale de relations établies ?

jeudi 5 avril 2012

Alors que les usages retiennent habituellement un préavis de 6 mois, la Cour d’appel de Versailles condammne l’annonceur qui rompt le contrat d’agence après un appel d’offre à verser une annnée de marge brute pour ne pas avoir respecté un préavis évalué à un an.
CA Versailles 27 oct 2011 D Communication c/ Toyota .

En l’espèce, les relations portaient sur des travaux d’édition publicitaire et notamment 4 numéros annuels d’une newsletter. L’agence, déjà en difficulté, réalisait 87 % de son chiffre d’affaires avec Toyota et a du déposer le bilan peu de temps après.

La résiliation de l’ensemble des relations faisait suite à la perte du contrat portant sur la newsletter non reconduit suite à un appel d’offre perdu.

La société Toyota y ayant mis fin à toute relation 4 mois après l’appel d’offre (ouvert un mois plus tôt) , l’agence (ou plus exactement son liquidateur) a invoqué non pas le repect du préavis prévus par les usages (6 mois) et repris par le contrat type de 1961, mais l’article L 442-6 1 5° du code de commerce aux termes duquel :

"I.-Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ;
Le préavis doit s’apprécier au regard de la durée des relations commerciales et étant destiné à permettre au cocontractant de remédier à la désorganisation qui a résulté de la cessation de la relation commerciale existante et de rechercher de nouveaux partenaires et débouchés commerciaux, l’auteur de la rupture qui connaît l’état de dépendance économique dans lequel se trouve son partenaire vis-à-vis de lui doit en tenir compte. "

La cour d’appel a effectivement retenu l’argumentation et accordé une indemnité égale à un an de marge brute.

Dans une autre affaire, la même cour d’appel de Versailles avait jugé que « le contrat type du 19 septembre 1961 ne constitue qu’une déclinaison, dans le domaine des agences de publicité – pour lesquelles les relations commerciales ne peuvent, sans brusquerie, être rompues sans préavis de six mois –, du principe édicté aujourd’hui par l’article L 442-6 du Code de commerce (...) . L’indemnité prévue par ce dernier texte ne saurait, dès lors, être cumulativement allouée avec celle prévue par les usages des agences de publicité » (CA Versailles 5 février 2009 n° 07-6076, 12e ch. sect. 2, Gunnebo France c/ Nuages blancs).

Cette décision révèle les incertitudes que génère désormais l’article L 442-6 I du code de commerce en ce qu’il permet de ne plus de se référer aux seuls usages établis.