Publicité immobilière et loi Hoguet sur Internet.

mercredi 11 janvier 2012

La Cour d’Appel de Dijon applique le principe de neutralité technologique à la Loi Hoget et valide une rémunération proportionnelle de l’annonceur, et subordonnée au résultat.

Le pourvoi qui avait été formé a été abandonné. La décision est dès lors définitive.

Par application de la LCEN, dans un arrêt du 19 février 2009, la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dijon a considéré qu’il n’y avait pas exercice illicite de la profession d’agent immobilier sans détenir la carte professionnelle en cas de publication de petites annonces immobilières sur Internet et a validé le principe d’un prix de l’annonce proportionnel à la valeur annoncée du bien et un paiement uniquement en cas d’efficacité de l’annonce.

TITRE : Application du principe de neutralité technologique à la publicité : cas des annonces immobilières entre particuliers.

Introduction.

C’est à notre connaissance l’une des rares décisions rendues en application de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique relatives à la publicité immobilière au regard du statut des agents immobiliers.

Bien que le principe de neutralité technologique soit l’un des fondements de la Directive Commerce électronique, une partie de la doctrine se montre encore réticente à l’appliquer aux supports publicitaires.

Les raisons en sont diverses : croyance en la nécessité de refonder le droit de l’Internet, lobbysme corporatiste, confusion de vocabulaire, ... ou analyse différente.

Les enjeux sont multiples : Considérer globalement tout Internet comme un support publicitaire présente l’avantage de le soumettre tout entier aux règles issues de la Loi Sapin relatives à l’achat d’espace.

Cette approche soulève cependant de nombreuses incertitudes juridiques préjudiciables à l’activité des entreprises, comme par exemple les questions de la légalité de petites publicités immobilières sur des sites dont les éditeurs ne sont pas titulaire d’une carte d’agent immobilier, ou de celle des publicités en faveur de boissons alcooliques.

Saisi de cette question en matière de publicité alcool, le groupe de travail du Forum des droits de l’Internet a retenu une position ambiguë dans sa recommandation « Publicité en ligne et Alcool » du 15 décembre 2008 pour lequel le principe de neutralité technologique n’est appliqué qu’au seul support radio. Une telle réponse laisse le débat entier.
Doit on alors assimiler les petites annonces sur Internet à une publication par voie de presse au sens de l’article 1 de la Loi du 2 janvier 1970 (« Loi Hoguet ») ?

Il y a à notre avis confusion de vocabulaire à considérer tout Internet comme un "média" dans l’acception "support publicitaire".

Même dans la LCEN pour laquelle le législateur a pourtant choisi de rattacher tout Internet au droit de la presse, le terme "communication électronique" vise une technologie (au sens de "télécommunication" devenu dans la loi "communication électronique") .

L’application du principe de neutralité technologique permet à l’entrepreneur comme au juriste d’appliquer dans le monde du virtuel les mêmes règles que dans celui du réel, et de considérer , en matière publicitaire que l’affichage, la PLV, les courriers adressés ou la communication par voie de presse conservent la même nature.

L’administration ne fait pas autre chose lorsque dans le Décret du 31 décembre 2008 sur la publicité des prix elle assimile publicité sur un site marchand à publicité sur le lieu de vente.

La décision de la Cour d’Appel de Dijon ci après reproduite fait la même analyse en se référant à la LCEN pour considérer que les petites annonces immobilières sur Internet entrent bien dans le champ de l’exception prévues par le 7ème alinéa de l’article 1 de la Loi Hoguet.
C’est à notre connaissance l’une des rares décisions rendues en application de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique relatives à la publicité immobilière au regard du statut des agents immobiliers.

I - Internet et la Loi Hoguet

Un éditeur de service d’annonces immobilières sur Internet était poursuivi à la suite d’une plainte de la FNAIM sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, pour exercice illégal de la profession d’agent immobilier sans être détenteur de la carte professionnelle.

La FNAIM considérait que l’exception relative aux publications par voie de presse n’était pas applicable, et que les petites annonces litigieuses,
- pour lequel les coordonnées de l’annonceur étaient communiquées par l’éditeur du site
- dont la rémunération était fixée en pourcentage du prix de vente annoncé
- et dont le paiement n’était payé qu’en cas d’efficacité conduisant à la vente

constituaient une intermédiation.

La Loi Hoguet du 2 janvier 1970 n’avait pas envisagé l’application de l’exception pour les publications par voie de presse sur Internet, car Internet n’existait pas.

La décision rendue par la cour d’appel de Dijon en date du 19 février 2009 est une application directe du principe de neutralité technologique en matière publicitaire.

La Cour se réfère explicitement à la LCEN qui prévoit que l’activité consistant à fournir des informations en ligne ou des communications commerciales s’exerce librement (Titre II de la Loi du 21 juin 2004 relatif au commerce électronique).

Sans reprendre le terme, la Cour fonde sa décision sur l’application du principe de neutralité technologique qui était explicitement le fondement des conclusions en défense.

L’affaire qui était soumise à la cour d’appel concernait la loi Hoguet et plus spécialement l’application du statut d’agent immobilier.
Il ressort de cet arrêt que ne permettent pas de caractériser une entremise :
- des petites annonces sur Internet qui constituent des publications par voie de presse visée à l’article 1 la loi HOGUET , y compris sur Internet
- la domiciliation des annonces sur Internet
- un prix de service proportionnel au montant affiché du bien mis en vente
- une rémunération demandée uniquement en cas de réussite de l’annonce

II - Autres applications envisageables

La même analyse doit être retenue dans les secteurs d’activité dont la communication publicitaire est règlementée.
Appliquée aux publicités en faveur de l’alcool, des médicaments ou de tout autre produit, cette jurisprudence démontre aussi l’inutilité des réformes législatives pour permette de communiquer sur Internet, même dans le cas de règlementation telles que la Loi Hoguet ou la Loi EVIN.
Le principe de neutralité technologique conduit en effet à considérer que les règles applicables à tout support doivent être appliquées de façon identique quelle que soit la technologie utilisée.

Par application de la jurisprudence issue de la Cour d’Appel de Dijon, les publications par voie de presse sur Internet conservent leur nature sur Internet (pris dans le sens « télécommunication » ou procédé de communication électronique), tout comme l’affichage (sur sites de tiers), la PLV (sur site marchand), les courriers adressés (Emails) , la radio ou la télévision...

Il aurait donc été intéressant que cette argumentation soit soumise et développée devant le Tribunal de Grande Instance de Paris lorsqu’il a considéré concernant la présence de publicités en faveur de Heineken que "Internet" ne faisait pas partie des seuls supports autorisés par la Loi .

Nous pensons pour notre part comme la cour d’Appel de Dijon que les règles juridiques qui leur sont applicables le demeurent sur Internet.